Le travail de l’argentin Maxime Ruiz est une bouffée d’air frais dans ce qui est le domaine plutôt sérieux ( et peut-être trop sérieux) de la photographie dite “d’art”. Son travail “La Découverte d’Amérique” et “Des fleurs”, actuellement exposé à la galerie Kahlo-Coronel est le résultat d’un esprit créatif et d’une esthétique très particulière partagée entre le baroque et l’apocaliptyque. L’Amérique, cette “terre nouvelle”, a fasciné les Européens depuis sa “découverte” en 1492. En effet, le concept même de découverte appliqué à un continent déjà occupé depuis des millénaires par des civilisations hautement développées a été le premier réflèxe d’une arrogance européenne qui allait contaminer les rapports entre cultures pendant des siècles.
L’Indien devint ainsi l’objet des fantasmes du vieux monde, qui pouvait aussi bien voir en lui un descendant des tribus perdues d’Israël que le promouvoir avec condescendance au rôle du “bon sauvage” de Rousseau.
Cet impérialisme culturel est le sujet de “La découverte d’Amérique”. La démarche de Ruiz est radicale – un mélange surréaliste de montages, de violents effets de lumière, art du XX ème siècle et kitsch. Cependant cet humour n’obscurcit pas la validité ou le sérieux du message.
L’ exposition doit être vue comme une histoire, qui commence avec le voyage des “découvreurs” (présentés à travers les images comme deux explorateurs du 19 ème siècle avec leur accoutrement classique) qui traversent à la nage une impressionnante mer en plastique. Une référence est faite à la rencontre entre Christophe Colomb et un poisson volant, avant de poursuivre jusqu’à un “Coucher de Soleil sur la Plage”, ou des squelettes attachés à des orchidées brillent d’un rouge incandescent devant le Pacifique éclairé par la lune. L’apothéose de l’exotisme.
Dans “Ce Sera Ici”, Ruiz se moque du besoin qu’ont les aventuriers de documenter leurs exploits. Trois flèches sont pointées vers une croix fluorescente au sol, au centre d’une hutte indienne. Ce point est aussi signalé par un des explorateurs qui, nimbé d’un halo, prend une pose aux réminiscences de peinture religieuse baroque. Cet événement mélodramatique et dérisoire est photographié par son acolyte pendant que, sournoisement, des soldats de plomb encerclent le sol en terre battue. Le thème de la guerre est repris dans “Siesta”, qui nous ramène au présent de l’ingérence impé- rialiste en Amérique Latine. Dans une image sombre, les deux héros se reposent sur un morceau de tissu de couleur foncée, menacés par des tanks et des clous qui les entourent.
Les “Temps Meilleurs” promis par la marche du progrès à la manière occidentale ne seront pas qu’une étape. Ainsi les conquérants établiront leur propre religion primitive, qui inclue le sacrifice de jeunes enfants ( “Desayuno”) et l’adoration de l’or.
Un triptyque intitulé “Hommage – Ça valait la peine” complète cette impressionnante saga visuelle. Un indien masqué flanqué des deux européens, qui se tiennent debout leur chapeau à la main, au milieu des fruits du Nouveau Monde (tomates, maïs, pommes de terre) dans une attitude de soumission ou peut-être, on l’espère, de reconnaissance. L’horrible masque de la figure centrale et sa posture dramatique presque à la King Kong, brandissant une pomme de terre et une tomate, suggèrent une prise de conscience chez l’indigène de son propre pouvoir.
La combinaison d’intelligence, humour satirique et créativité que Ruiz apporte à son travail fait que cette exposition soit particulièrement agréable par sa capacité à faire réfléchir et à stimuler esthétiquement l’observateur..
Jessica Johnson,The México City News.